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Réduction des indemnités LAVI pour les proches domiciliés à l'étranger : le Tribunal Fédéral trace les limites

Dans l’arrêt 1C_102/2024 du 18 novembre 2024, le Tribunal fédéral se penche sur une question particulièrement délicate : la réduction des indemnités pour tort moral octroyées au titre de la LAVI lorsque les ayants droit résident à l’étranger.

L’affaire concernait les enfants d’une femme victime d’un homicide. Les autorités vaudoises avaient reconnu leur droit à une indemnité, tout en réduisant les montants octroyés pour trois d’entre eux, domiciliés respectivement en Pologne (−65 %) et en Espagne (−30 %), sur la base de l’art. 27 al. 3 LAVI. Cette disposition permet en effet une réduction lorsque l’ayant droit réside à l’étranger et que, en raison du coût de la vie à son domicile, la réparation morale serait disproportionnée.

À ce titre, le Tribunal fédéral rappelle que l’aide aux victimes est un acte de solidarité de la collectivité envers la victime et qu’il est partant équitable de prendre en compte un coût de la vie moins élevé lorsque le bénéficiaire habite à l’étranger. Ainsi, seul un delta suffisamment important peut justifier une telle réduction, ce qui est le cas lorsque l’application des normes de calcul usuelles entraînerait une indemnisation disproportionnée des bénéficiaires domiciliés à l’étranger par rapport à ceux domiciliés en Suisse.

Le Tribunal fédéral souligne toutefois que cette réduction doit rester l’exception, et qu’elle ne saurait être appliquée de manière automatique ou schématique. Le Tribunal fédéral réaffirme ainsi la nécessité de procéder à une appréciation nuancée, tenant compte de l’ampleur réelle de l’écart du coût de la vie (sur la base de critères de comparaison objectifs comme l’indice des salaires ou l’indice des prix à la consommation officiels), ainsi que des liens personnels de l’ayant droit avec la Suisse.

Dans le cadre des arrêts 1C_106/2008 du 24 septembre 2008 et 6B_58/2016 du 18 août 2016, le Tribunal fédéral a considéré que l’écart de coût de la vie entre la Suisse et le Portugal, respectivement l’Espagne, n’était pas suffisamment marqué. Une telle réduction ne pouvait ainsi pas être admise.

S’agissant de la Pologne, le Tribunal fédéral estime qu’une réduction de 65 % de l’indemnité, fondée uniquement sur la différence du coût de la vie, est trop schématique et ne saurait être suivie. Il admet toutefois le principe d’une diminution, qu’il fixe à 20 %, de l’indemnité allouée à la recourante domiciliée en Pologne, conformément à l’arrêt 6B_531/2019 du 20 juin 2019.

Cet arrêt précise ainsi la portée de l’art. 27 al. 3 LAVI et renforce la protection des proches des victimes d’infractions, même lorsque ces derniers résident hors de Suisse.

Rédigé par Me Kaltrina FAZLIU

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